Quelques chiffres pour débuter :
Nombre de retenues d’altitude : 10 (4 en Beaufortain, 2 en Tarentaise et 4 en Maurienne)
La plus haute (altitude) : 2 460 m - Sassière
La plus ancienne (mise en service) : 1935 - Bissorte
La plus récente (mise en service) : 1969 - Mont Cenis
La plus grande (surface & volume) : 661 ha pour 315 000 milliers de m3 - Mont Cenis
Le développement de l’hydroélectricité et l’équipement du réseau hydrographique des vallées intra alpines a débuté dès les origines de la houille blanche à la fin du XIXéme siècle pour les besoins des industries électrochimiques et électrométallurgiques. Le développement des équipements hydroélectriques est alors étroitement lié à la possibilité de desserte par la voie ferrée permettant l’approvisionnement des industries en matière première et l’export des produits manufacturés. Dans ces conditions, c’est en vallée de Maurienne alors desservie depuis 1871 par la voie ferrée internationale du tunnel du Fréjus, que les premiers aménagements apparaissent en basse vallée.
Ce n’est donc pas forcément un hasard si le premier réservoir d’attitude construit en Savoie voit le jour dans cette vallée. La société Alais-Froges-et-Camargue entame les travaux du barrage de Bissorte en 1930 et ce dernier sera mis en eau en 1935.
Les immenses besoins en énergie de l’après-guerre nécessaire à la reconstruction de la France, enclenche une période de chantier intense dans les vallées alpines. Conduit par EDF, nationalisée en 1946 et alimentés par les devises américaines du Plan Marchall, plusieurs chantiers sont lors engagés :
Il est intéressant de noter que débutée en Maurienne, l’histoire des réservoirs de haute altitude se termine sur ce même territoire par la réalisation de l’imposant barrage du Mont Cenis entre 1962 et 1968, dont le volume est exploité aussi bien par la France que par l’Italie.
Ces ouvrages restent finalement la partie la plus visible d’un immense complexe de production comprenant des kilomètres de galerie permettant d’une part d’assurer leur remplissage en allant chercher l’eau jusque sur des bassins versants connexes, et conduisant les eaux stockées vers les turbines des usines de production via un réseau de galerie d’amenée et de conduite forcée d’autre part.
Les dix retenues d’altitude que compte la Savoie, de par leur histoire respective, les techniques de construction souvent novatrices, leurs dimensions parfois imposantes, les moyens mobilisés et ses drames humains associés constituent un patrimoine historique et industriel remarquable. Au-delà de leur vocation première, elles constituent également un vecteur de développement économique des territoires et supportent ainsi bien d’autres usages que celui pour lesquels elles étaient initialement destinées.
Bien entendu, un des usages historiques reste la pratique de la pêche. Ces réservoirs restent très attractifs et constituent indéniablement une spécificité et une richesse du département de la Savoie.
Il convient cependant de ne pas se faire éblouir par ces miroirs d’altitude au point de passer à l’ombre les impacts durables et vraisemblablement irréversibles de ces aménagements sur les écosystèmes aquatiques et leurs biocénoses associées.
Les besoins en énergie ont conduit à la disparition de lacs naturels uniques (Lac de la Sassière, Lac de la Girotte, Lac du Mont Cenis), à l’ennoiement de systèmes courants et fonctionnels, à la création de discontinuités écologiques majeures.
La gestion nécessaire à la fonctionnalité énergétique de ces ouvrages porte bien loin d’eux des impacts tentaculaires dont les effets sont aujourd’hui connus sur la fonctionnalité morphologique et biologique des cours d’eau concernés (mise en débit réservé, éclusées, perturbation du transit sédimentaires, modification des régimes thermiques…)
Ces milieux artificiels sont soumis à des pressions en lien avec leur gestion (marnages quotidiens et saisonniers, vidanges, transfert des eaux interbassins, etc.) qui limitent la fonctionnalité des peuplements piscicoles.
Situés par définition en altitude (vocation de réservoirs pour des aménagements de hautes chutes), la présence d’une faune piscicole est à relier à quelque exception près, à des interventions humaines passées et/ou contemporaines, conduisant parfois à la naturalisation de certaines espèces. (Ex : MACHINO-1991- mentionne l’omble chevalier sur le lac de La Girotte comme étant présent depuis 1900-1906. Les 15 000 individus alors introduits provenaient de Thonon-les-Bains)
Seules certaines populations salmonicoles appartenant au genre Salvelinus peuvent alors et dans certaines conditions trouver en ces lieux les conditions minimales pour assurer leur naturalisation après introduction.
C’est le cas du Cristivomer (CRI) – Salvelinus namaycush et de L’omble chevalier (OBL) –Salvelinus umbla (ex : Bissorte - OBL, Mont Cenis - OBL & CRI, Sassière - OBL,...)
La truite commune (TRF) - Salmo trutta, si elle bien est présente sur bon nombre de retenues, l’espèce ne trouve que très rarement les conditions pour boucler son cycle biologique et notamment sa phase de reproduction. Cette dernière a effectivement besoin pour ce faire de disposer d’afférences (cours d’eau) accessibles afin de rejoindre ses zones de frayères. Quoi qu’il en soit, les lacs de barrage court-circuitent généralement le réseau courant hydrographique. Dans ces conditions et dès lors que la présence de l’espèce est effective sur ces cours d’eau en amont des retenues, une fraction des individus finit par dévaler dans les plans d’eau et développer un écotype lacustre (individus à forte croissance) comme sur les retenues de Plan d’amont, du Chevril, de Bissorte, de Roselend…)
Quant à la truite arc-en-ciel (TAC) Oncorhynchus mykiss, cette dernière n’est présente dans ces lacs que sous un statut d’espèce acclimatée.
Principes généraux de la gestion piscicole de ces retenues :
Toutefois, les opérations de soutien (repeuplement) restent adaptées aux caractéristiques intrinsèques des retenues :
Contrairement à une idée souvent répandue, seules les collectivités piscicoles (10 % AAPPMA & 90 % FSPPMA) assument la charge financière de la gestion piscicole de ces réservoirs d’altitude, cette dernière avoisine annuellement les 63 K€.
La participation d’EDF intervient dans le contexte des opérations de vidange complète du plan d’eau. Cette dernière apporte alors son soutien financier en phase post vidange à la collectivité piscicole afin de reconstituer les peuplements d’avant vidange, dans leur diversité et quantité
Antérieurement obligatoire tous les 10 ans pour la visite de organes de sécurité des barrages, ces derniers étaient à pas de temps réguliers intégralement vidangés. Aujourd’hui, les vidanges des retenues ne sont réalisées que lorsque des opérations de maintenance sont nécessaires sur les ouvrages. Le développement de technologie de pointe (visites subaquatiques par robots par exemple) permette ainsi d’espacer dans le temps ces vidanges et impliquent dès lors une approche de gestion piscicole évolutive différenciée des retenues.
A titre indicatif, la dernière vidange d’un réservoir d’altitude a été menée sur le barrage du Mont Cenis en 2016 (Bissorte : 2015, Roselend: 2011 et Chevril : 2000) et la prochaine aura lieu en 2027 pour la retenue de Bissorte.
Globalement, il n’est pas envisageable à ces altitudes et pour des raisons d’accès, de sécurité, de moyens humain, techniques et financiers de mettre en œuvre des opérations de sauvegarde des peuplements piscicoles qui sont malheureusement condamnés. Il est cependant régulièrement constaté qu’une fraction des individus présents sont retrouvés post vidange. Cet état de fait restant étroitement dépendant des connexions résiduelles avec le réseau hydrographique (zones refuges), de la surface et profondeur du plan d’eau subsistant, de la période et de la durée de la mise au fil de l’eau de la retenue.
Le cas particulier de la retenue du Mont Cenis.
La situation d’implantation de l’ouvrage du Mont Cenis et la présence d’infrastructures à l’aval du barrage, ont permis d’envisager la mise en œuvre d’opérations de sauvegarde en 1996 (CSP) et 2016 (FSPPMA) lors des vidanges du réservoir. En 2016, les opérations de sauvegarde ont été conduites en deux temps :
Les poissons capturés lors de ces deux phases ont été transférés par levage héliporté dans le lac naturel historique, permettant ainsi de conserver une partie du patrimoine halieutique de la retenue
Pour en savoir plus : > M.VALLAT & al. 2017. Vidange de la retenue du Mont Cenis. Pêches de Sauvegarde et Transfert 2016. Compte rendu d’opérations et rapport de suivi. FSPPMA, 29 p. <